Revaloriser l'enseignement de qualification...

La ministre de l’Enseignement a lancé une réforme de l’enseignement qualifiant en mettant en place des unités de formation, visant à valoriser les compétences acquises par un élève, quel que soit son parcours scolaire.
Actuellement, la compétence d’un jeune est jugée sur base des années qu’il a réussies. Toutefois, un jeune qui quitte l’enseignement technique en 5e année, par exemple, a tout de même acquis certaines compétences et un certain savoir-faire qui pourront à présent être valorisés. 

                                Les objectifs du projet

Les instigateurs du projet partent du constat que le redoublement, le retard et l’abandon scolaires sont excessifs dans notre système éducatif et notamment dans le qualifiant.


Exemple : à peine 20 % des jeunes sont “à l’heure” en 5TQ et moins de 20 % en 5P. Les taux de redoublement y sont pourtant encore respectivement de 25 % et 20 %. 

Autre constat : le qualifiant n’est pas assez motivant, car les objectifs sont trop lointains aux yeux des élèves. Cette absence de perspective, conjuguée au redoublement, expliquerait, selon le ministère, l’importance de l’abandon scolaire. 

L’objectif de la réforme proposée est donc de lutter contre l’échec scolaire en rendant le redoublement inutile. Mais également de proposer aux jeunes un enseignement plus concret, plus motivant, dont ils peuvent mieux percevoir les buts, en maîtrisant mieux leur parcours scolaire. 

De façon plus large, il s’agit aussi de proposer une structure compatible avec les objectifs européens de formation tout au long de la vie.

                                  La mise en œuvre du projet

Le projet démarre dans certaines orientations en septembre 2011. Pour l’heure, voici les données qui constituent le projet (d’autres éléments devront vraisemblablement s’y ajouter ultérieurement).

L’expérience sera menée dans trois orientations ou groupes de métiers : la mécanique automobile, la restauration et l’esthétique (coiffure). 

Elle démarrera en 5ème TQ et P dès septembre 2011 et se poursuivra en 6ème à partir de septembre 2012. 

Les programmes seront restructurés en “Unités de Formations”. Les unités seront décrites en termes de résultats d’apprentissage et comporteront des directives pour la procédure d’évaluation. 

La qualification devient donc un processus modulaire, constitué d’unités capitalisables, pouvant produire des certifications partielles, appelées CPU (certifications par unité) . 

Les établissements mettront ces unités en oeuvre dans une séquence temporelle unique (enchaînement des unités programmé). L’organisation concrète sera laissée aux Pouvoirs Organisateurs (choix des cours, durée des cours et activités, programmes, etc.). Le ministère précisera les prérequis de chaque unité, les acquis à évaluer à la fin et des standards pour le faire. Ainsi qu’une indication temporelle. L’évaluation des élèves ne se fera plus à des dates conventionnelles (décembre et juin), mais à la fin de chaque unité. Chaque unité devra être réussie (!). 

En d’autres termes, on pourra obtenir au terme de son parcours des attestations de compétences partielles, au cas où éventuellement on n’aurait pas été jusqu’au bout de la validation de l’ensemble des compétences et obtenu le certificat de qualification complet (CQ de 6e ou 7e année). 

Il n’y aura ni redoublement d’année, ni redoublement d’unité. Il faudra donc que les établissements mettent en oeuvre des remédiations. 

Le dispositif sera laissé à leur choix, mais il devra contenir 10 à 20 % de temps supplémentaire par rapport au nombre minimum de semaines consacrées à une unité donnée. Il faudra au moins une demi journée par semaine ou une journée tous les quinze jours, plus une ou deux semaines en fin d’unité. Ceux pour qui la remédiation n’est pas nécessaire pourront suivre des formations complémentaires (en langues ou en Centres de Technologies Avancées, ou participer à des stages). 

Aux dernières nouvelles, l’expérience se déroulerait cette année sur une base volontaire. Ce qui signifie que toutes les écoles qui organisent les options concernées ne seraient pas obligées de participer cette année-ci.


 Le projet peut-il apporter une réponse à l’échec scolaire ?


Pour Jean-Pierre Kerkhofs, enseignant et président de l’APED, rien n’est moins sûr, car : 

« Premièrement, il (le projet de réforme) ne se met en place qu’au début du troisième degré. A ce moment, les différences de niveau entre élèves sont déjà très profondes. Toute mesure prise à ce stade n’y peut plus rien. Lorsqu’on part du constat qu’en 5 TQ, 20 % des jeunes sont « à l’heure », il va de soi que cette situation ne sera pas changée par une réforme qui commence en 5e. On veut juste empêcher que l’échec ne se perpétue et on espère éviter les 25 % de redoublement en 5TQ et les 20 % en 5P. Partant du constat réel de l’inefficacité du redoublement, on veut le rendre “inutile”. Fort bien. Mais que met-on en place pour améliorer le niveau des élèves ? Car le vrai problème, il est là. Il vient encore d’être confirmé par le plus récent volet de l’enquête internationale PISA : le niveau de nos « moins bons » élèves est vraiment très bas ». 

Ce point de vue rejoint celui de la Plate-forme de Lutte contre l’échec scolaire (qui regroupe les syndicats d’enseignants et de nombreuses associations) qui, confrontée à cette question, précise : 

« En effet, il est acquis maintenant que les difficultés des jeunes de l’enseignement qualifiant proviennent des défaillances de la formation reçue précédemment, spécialement dans l’enseignement du fondement dont il s’ensuit une pratique systématique de la relégation. Face à cela, la réforme ne propose rien. Nous savons aussi que l’enseignement qualifiant recueille tout particulièrement les jeunes issus de milieux défavorisés. Diverses recherches ont d’ailleurs montré que l’orientation précoce des élèves vers des filières différenciées accroissait les inégalités. Face à cela, la plate-forme contre l’échec scolaire propose d’instaurer un tronc commun dans un premier temps jusque 14 ans pour, progressivement, après évaluation, aller jusqu’à 16 ans, afin de retarder le plus tard possible la sélection, de laisser les jeunes mûrir leur projet d’avenir et d’éviter les relégations ». 

Et Jean-Pierre Kerkhofs de renchérir : 

« Un élève n’est pas qu’un futur travailleur. C’est aussi un futur citoyen qui doit être capable de comprendre et d’agir sur le monde. Pour répondre à cet objectif dans notre monde complexe, il faut que le spectre de sa formation soit très large. C’est pourquoi nous estimons que la formation qualifiante doit être précédée d’une formation commune bien plus longue et plus ambitieuse qu’actuellement. Pour nous, la meilleure manière de revaloriser le qualifiant est de le faire commencer plus tard. Pas avant 16 ans. Et il faut que les établissements qui organisent la formation commune ne soient pas ceux qui organisent la formation qualifiante. Pour autant que des mesures de régulation des inscriptions bien plus ambitieuses que maintenant soient prises, ce système permettrait beaucoup plus d’équité ». 

Une approche qui complète et conforte les perspectives qui sont celles de la Campagne Marguerite, en faveur d’une école de la réussite, campagne coordonnée depuis ses débuts par Infor Jeunes Laeken.

http://inforjeunes-bxl.be/campagne-marguerite/ 



Eric Bruggeman




INFOR JEUNES LAEKEN